Pierre reverdy
Flaques de verre
Tout se tient
Alors une voix s'éleva, puis se tut. Les nuages ne bougeaient plus sur le ciel trop plat
Et même il n'y avait pas de nuages. Les étoiles formaient des pyramides que des enfants détruisaient à coups de boules
Des boules de neige
Quand il n'y avait plus de pointes c'étaient des maisons. Quand il n'y avait plus d'étoiles c'était la nuit, l'ombre et la dernière étoile, la fenêtre allumée derrière un arbre qu'on n'avait pas encore vu.
Tout à coup une main s'avançait pour éteindre la lampe. Et l'on voyait un moment les lèvres que la flamme faisait saigner. Et la figure. Mais était ce bien, cette boule énorme, une figure?
Flaques de verre
Globe
Où ai-je vu le comédien, le musicien l'homme de dieu
Ce n'était qu'un profil qui s'abattait sur la muraille
Une ombre. Nous étions dehors et il pleuvait. Alors mêlées à la pluie on distingua quelques étoiles et un petit enfant tendait sa main
Quelqu'un cria dans la rue, derrière un volet parce qu'il pleuvait, et tout s'évanouit
Pas même la nuit, ni l'homme, ni dieu
Pas même l'enfant ni les étoiles
La liberté des mers
Clair mystère
Par dessus le portique où s'enroule la treille et
Où chante L'oiseau _ à la fenêtre où se dressent une tête et un buste immobiles. Derrière le mur qui penche et l'air qui s' éblouit, un œil à demi clos qui attend le signal.
La liberté des mers
Dernière marque
Ces mains qui n'imitaient aucun signe ni geste, sans que l'on pût imaginer pourquoi, allaient s'ouvrir sur la terrasse.
Ces mains blanches, dont les doigts parlaient, en vous touchant- d'un baiser mal posé, s'envolèrent. Elles gardaient l'empreinte ancienne et rose d'une inoubliable brûlure
Les mains étaient cachées dans les cheveux défaits qui couvraient à demi les épaules. Et des larmes d'orgueil, de remords et peut-être de sang s'écoulaient lentement sur la pointe des pieds de la veilleuse
Pierre reverdy
La liberté des mers
Bon juge
Derrière le toit pointu où tu danses, en jetant tour à tour en l'air tes jambes et tes bras, un juge invisible te suit. Il n'a pas d'oreilles et ses yeux triangulaires n'y voient pas.
Cependant, à chaque tour de cette danse grotesque, immobile et muet, d'un haussement d'épaules ou de sourcils, il juge ton effort. Et son rire moqueur quand tu as fini de t'essouffler en vain te récompense
Pierre reverdy