François cheng
A l'Orient de tout
Nous ne faisons que passer
Tu nous apprends la patience
D'être le lieu et le temps
Toujours pour la prime fois
Toujours du souffle l'élan même
Qui du non-être tend vers l'être
Toujours présence renouvelante
Entre laves et rosées
Privés de fleurs, de feuillages
De consolables oublis
Tu tiens le nœud des racines
Au passage de l'ouragan
A l'Orient de tout
Frayeur bue
Douleur tue
Se livrer à la foudre
Est-ce déjà trahir
Toute fêlure semence
Toute fracture naissance
Frayeur bue
Douleur tue
Éternel premier cri
A l'Orient de tout
En toi le remous originel
Tout le charnel du créé
Rocher d'un jour
Ou de toujours
Tout le tourment en tes plis
Toute la joie en tes plis
Lorsque tu te déploieras
Lave et phénix ne feront qu'un
A l'Orient de tout
Et nous n'échangerons pas
Le quartz d'ici
Contre les diamants du ciel
Ici la vie vécue
Ici le rêve perdu
Ici le chant enfoui
Ici le rythme rompu
Que nous avions jetés au vent
- à quel âge ingrat?
Que les cristaux de Roche
Ont conservés intacts
A notre insu
A l'Orient de tout
Pourtant il nous reste encore à célébrer
Comme tu le fais
Célébrer ce qui, jailli d'entre nous
Tend encore vers la vie ouverte
Ce qui, d'entre les chairs meurtries, crie mémoire
Ce qui, d'entre les sangs versés, crie justice
Seule voie en vérité où nous pourrions encore
Honorer les souffrants et les morts
Chacun de nous est finitude
L'infini est ce qui naît d'entre nous
Fait d'inattendu et d'inespérés
Célébrer l'au-delà du désir, l'au-delà de soi
Seule voie de vérité où nous pourrions encore
Tenir l'initiale promesse
Célébrer le fruit, plus que le fruit même
Mais la saveur infinie
Célébrer le mot, plus que le mot même
Mais l'infinie résonance