Poésie ininterrompue
II
Le poids d'un chien sortant de l'eau
Comme un sourire ému d'une brouille d'amis
Miroirs brisés miroirs entiers
Le poids toujours nouveau
D'une chatte duvet
Les griffes sous la mousse
Et le poids flamboyant
D'une chatte écorchée
Par un fourreau d'aiguilles
Le poids du jour qui réfléchit
Et qui s'arrête comme un âne
A chaque pas
Et je ramasse avec lui
Les miettes de son effort
Sempiternel
D'où sommes-nous sinon d'ici
Et d'ailleurs toujours en butte
A ce compte monotone
D'armées et de solitaires
Bain d'abeilles paravent
De la poussière immuable
Balance des hirondelles
Dans une poitrine vide
Ane chèvre jusqu'à l'herbe
Rat de la poupe à la proue
Rossignol jusqu'au déluge
Jusqu'aux étoiles éteintes
Sont pesants les rongeurs
Pesants comme une horloge
Et les poissons pêchés
Et l'hermine par sa blancheur
Et le lièvre par son repos
Je suis avec toutes les bêtes
Pour m'oublier parmi les hommes
Paul Éluard