Grand bal du printemps
Des oubliettes de sa tête
Comme un diable de sa boîte
S'évade un fol acteur
Drapé de loques écarlates
Qui joue pour lui tout seul
Rideaux tirés, bureaux fermés
Le grand rôle de sa vie
La destinée d'un déclassé
Et debout sur le trottoir
Au promenoir de sa mémoire
Il est l'unique spectateur
De son mélodrame cérébral et revendicateur
Où la folie des splendeurs
Brosse de prestigieux décors
Je n'ai jamais été qu'intermédiaire
Mais quel intermédiaire j'étais
J'ai brisé les chaussures de rois très fatigués
Pour le compte honoraire des plus grands des bottiers
J'ai été ventriloque dans beaucoup de banquets
Pour des orateurs bègues, aphones et réputés
Et j'ai mâché la viande de très vieux financiers
Et j'ai cassé du sucre sur de très jolis dos
Au profit d'un bossu roi du Trust des chameaux
Mais j'ai conduit toutes ces bêtes
Dans un si bel abreuvoir
Elles qui n'avaient jamais rien vu
Tout à coup se sont mises à voir
Tous les visages de l'eau sur les pierres du lavoir
La gaieté d'un vivier et la joie d'un torrent
La lune sur la lagune
Et les flots sur les docks les digues et les dunes
Le calme d'un étang
La danse d'un ruisseau
La pluie dans un tonneau
Et nous sommes remontés à la source
En passant par le trou d'une aiguille
Et en musique s'il vous plaît
Car c'était faut le dire une aiguille de phono
Là nous avons trinqué
Oasis et mirage
Coups de rouge et miroir d'eau
Et tout le monde était saoul
Chameliers et chameaux
Mais en bas le grand monde
Brusquement emonde
Les quatre verres en l'air
Le bec de gaz dans l'eau
Est resté en carafe
La soif dans le gosier
Moignons dans l'étrier
La tête contre le mur des lamentations
Nos chameaux sont partis
Jamais ne reviendront